Pourquoi j'ai écrit ce livre 

par Georges G. GUITTON

 

     J’avais 14 ans. C’était dans la Sarthe d’avant-guerre. Venu de ma campagne pour suivre des études au Mans, je logeais chez une grand-tante. Cette ancienne institutrice, alors âgée de 75 ans, me parlait souvent d’un homme étrange, « not’cousin, le gars Yzeux ». Elle m’en dressait un portrait qui stimulait mon imagination d’adolescent. 

    Yzeux ? « Un hâbleur, un coureur de jupon, un escroc qui a fait de la prison », lançait-elle. Ces accusations me laissaient perplexe. Une rue du Mans ne portait-elle pas le nom du banni ? L’avenue Yzeux, longue d’un kilomètre, voie principale d’un quartier nommé… Yzeuville. 

    Ma tante insistait : « Un aventurier, un homme sans foi ni loi, un ambitieux qui visait toujours plus haut ». Crime suprême : « Il a fini par dilapider les biens de ses parents et même ceux de ses beaux-parents». Au bout du compte, il a pris ses cliques et ses claques.  Il vit aujourd’hui en Espagne ». En Espagne ? Bizarre, pensais-je. Nous sommes en pleine guerre civile et ce sont plutôt les Républicains espagnols qui quittent actuellement leur pays pour venir se réfugier chez nous… 

    Ces propos familiaux maintes fois distillés aiguisaient ma curiosité. Et faisaient naître en moi une certaine sympathie pour ce vague cousin mis au ban du souvenir. Je doutais que les insinuations dédaigneuses et péjoratives de ma vieille tante coïncident avec la seule réalité qui valait à mes yeux : celle d’un nom gravé sur une plaque de rue, sort que la République réserve à ses plus glorieux citoyens. 

    Cinquante ans ont passé et les hasards de la vie m’ont donné l’occasion de nuancer sinon d’inverser le sombre portrait dessiné par ma tante. Est-ce vraiment le hasard, je suis venu habiter au Mans, le quartier d’Yzeuville. C’est là, près du Jardin des Plantes, qu’au terme d’une carrière d’instituteur rural, je passe ma retraite depuis une vingtaine d’années. 

    Très vite, au fil de conversations avec des vieux habitants du quartier, j’ai vu le sinistre personnage décrit un demi-siècle plus tôt se muer en « héros positif ». Ici, le long de ces paisibles rues pavillonnaires, Yzeux a laissé un souvenir amusé et parfois attendri. Celui d’un promoteur immobilier vraiment original qui créa dans les années 20 plusieurs lotissements populaires. À Yzeuville, les anciens parlent encore de la faconde et de la générosité parfois débridée de cet agriculteur hors norme qui n’hésitait pas à se qualifier lui-même de « Paysan sociologue ». 

    La figure ambivalente d’Yzeux, tantôt adulé, tantôt abhorré, ne pouvait que m’inciter à creuser le portrait, à approfondir l’enquête. Oui, j’avais maintenant le loisir de rechercher ce qu’avait été la vraie vie de mon cousin méconnu. Peut-être parviendrai-je à faire la lumière sur ce drôle de terrien métamorphosé en bâtisseur urbain. Lui, tour à tour héros romantique et fieffé chenapan, qui, il y a soixante-quinze ans, avait choisi de quitter sa terre natale pour s’enfuir vers une improbable et chimérique Espagne. 

    Pour explorer les origines, la vie trépidante et le parcours tortueux d’Ambroise Yzeux, je me suis appuyé sur les témoignages de ses contemporains, J’ai puisé dans les documents familiaux ainsi que dans les dossiers du Service départemental des archives de la Sarthe. L’aide active des descendants d’Yzeux est aussi venue à mon secours. 

    Enfin, j’ai pris mon bâton de pèlerin pour mettre mes pas dans ceux d’Yzeux : depuis Mézières-sous-Ballon – devenu Mézières-sur-Ponthouin – ce village du Saosnois où il est né en 1876, jusqu’à Mazamet (Tarn) où il est mort en 1941. Entre temps, l’itinéraire est passé par Le Mans, Le Havre, Angers, Evreux, Perpignan et Garac (Haute-Garonne). J’ai visité ces lieux à plusieurs reprises et y ai recueilli de précieux renseignements.

 

    Ma curiosité a été récompensée par une moisson d’indications que je souhaite faire partager. Voici donc l’aventure du paysan-urbaniste Yzeux.



Contact

Georges Guitton

06 77 48 45 92


 

UNE RARE PHOTO

Il n'existe pratiquement pas d'images d'Ambroise Yzeux.

Celle-ci est extraite d'une photo de mariage prise dans les années 20.


DU MÊME AUTEUR...

 

 

 

DIDIERJEAN, Charles le Grand, paru en 2000, raconte la vie du plus grand instituteur de France. Ses 2, 10 mètres valurent à ce personnage de figurer sur une carte postale éditée en 1910 où on le voit avec un groupe d'élèves de sa classe de Pruillé-l'Éguillé (Sarthe)

Né en 1887,  Charles était un pédagogue original. Il exerça à Courdemanche, à Lhomme et enfin dans son village natal de La Chapelle-Gaugain, toujours dans la Sarthe. Il était une personnalité politique (radical socialiste) de cette région de la vallée du Loir. Adepte de Jean-Jacques Rousseau, il aidait les pauvres, voyageait beaucoup, écrivait, aimait plaisanter.

Parmi les titres de gloire de ce "géant débonnaire", il y a la création, après la Deuxième guerre, d'un Foyer rural dans son village. Pour l'inaugurer, il parvient à faire venir l'une de ses nombreuses relations littéraires, l'écrivain Georges Duhamel.  L'instituteur retraité deviendra le président des Foyers ruraux de la Sarthe et s'éteindra en 1973.

Georges G. Guitton dans sa biographie a voulu rendre hommage à cet instituteur dévoué et brillant dont il fut proche puisqu'il lui succéda en 1946 à l'école de la Chapelle-Gaugain.

L'ouvrage de 70 pages (format 21 x 27,5) contient de nombreux documents, autographes et photos. Des exemplaires sont disponibles chez l'auteur.